L’entretien du jardin constitue l’une des principales sources de litiges entre propriétaires et locataires. Entre les tontes négligées, les haies envahissantes ou les massifs laissés à l’abandon, difficile de savoir qui doit faire quoi. La loi définit pourtant clairement les obligations du locataire et les responsabilités du propriétaire en matière d’entretien des espaces verts. Cet article vous permettra de maîtriser :
- Le cadre légal régissant l’entretien du jardin en location
- Les tâches précises incombant au locataire versus celles du bailleur
- Les démarches pour prévenir et résoudre les litiges liés à l’entretien des espaces verts
- Les recours possibles en cas de manquement aux obligations d’entretien
- Les spécificités en copropriété et cas particuliers
Qui doit entretenir le jardin : cadre légal et définitions
La répartition des responsabilités entre propriétaire et locataire pour l’entretien du jardin repose principalement sur deux textes fondamentaux :
- La loi n°89-462 du 6 juillet 1989, notamment son article 7 qui impose au locataire ‘d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location’
- Le décret n°87-712 du 26 août 1987 qui établit la liste des réparations locatives, incluant explicitement certains travaux d’entretien des espaces verts
La notion fondamentale est celle de ‘l’usage exclusif’ du jardin. Lorsque le jardin est réservé à l’usage exclusif du locataire (mentionné dans le bail ou implicite dans une maison individuelle), celui-ci devient responsable de son entretien courant. À l’inverse, les espaces verts partagés (en copropriété par exemple) relèvent généralement de la responsabilité du bailleur ou du syndicat de copropriété.
Point juridique important : Le décret n°2016-382 du 30 mars 2016 relatif à l’état des lieux et à la vétusté a renforcé l’importance d’un état des lieux détaillé, y compris pour les espaces extérieurs. Un jardin doit être mentionné et décrit précisément dans l’état des lieux d’entrée pour que des responsabilités d’entretien puissent être ultérieurement imputées au locataire.
Entretien courant vs travaux lourds : qui fait quoi ?
La distinction principale repose sur la différence entre entretien courant (locataire) et travaux lourds (propriétaire). Voici une répartition concrète des tâches :
Tâches à la charge du locataire
- Tonte régulière de la pelouse et ramassage des déchets verts
- Désherbage des allées, massifs et terrasses
- Taille des haies, arbustes et rosiers à hauteur d’homme
- Arrosage et entretien courant des installations d’arrosage (tuyaux, arroseurs)
- Ramassage des feuilles mortes et nettoyage des gouttières accessibles
- Entretien des petits équipements de jardin fournis (tondeuse, outils)
- Nettoyage et entretien courant d’une piscine ou d’un bassin (si mentionné au bail)
- Remplacement des petits équipements défectueux (robinets extérieurs, buses d’arrosage)
Responsabilités du propriétaire
- Élagage et abattage des arbres de grande taille ou dangereux
- Travaux de terrassement et modification de la structure du jardin
- Réparation des systèmes d’arrosage automatiques complexes
- Entretien du gros œuvre : murs, clôtures, portails, terrasses
- Remplacement des équipements vétustes (mobilier de jardin fourni, cabanon)
- Travaux liés à l’usure normale ou au vieillissement du jardin
- Entretien des toitures végétalisées et façades plantées
- Mise aux normes de sécurité (piscine, jeux d’enfants)
« Un jardin non entretenu par le locataire peut justifier des retenues sur le dépôt de garantie égales au coût de la remise en état, sous réserve de justificatifs. La vétusté normale doit cependant être prise en compte, conformément aux grilles de vétusté établies. »
Prévenir les litiges : bonnes pratiques et documentation
Pour éviter les désaccords sur l’entretien du jardin, plusieurs précautions peuvent être prises par le propriétaire :
Mentions spécifiques dans le bail
Le contrat de location doit mentionner explicitement :
- La description précise des espaces verts mis à disposition (superficie, type de végétation)
- L’affirmation de l’usage exclusif du jardin par le locataire
- Les modalités d’entretien attendues (fréquence des tontes, taille des haies)
- Les équipements fournis pour l’entretien (tondeuse, outils) et leur état
- La possibilité de modifications du jardin (plantations, aménagements)
Établir un état des lieux d’entrée détaillé
L’état des lieux d’entrée doit documenter minutieusement les espaces extérieurs :
- Photos détaillées sous plusieurs angles des espaces verts (pelouse, haies, massifs)
- Inventaire des plantes et arbres existants avec leur état de santé
- Relevé des équipements extérieurs (arrosage, cabanon, éclairage)
- Mention de l’état des structures (terrasse, clôtures, dalles)
- Mesure de la hauteur des haies et documentation de l’aspect général
Conseil pratique : Réaliser des photographies datées à chaque saison la première année peut constituer une base de référence précieuse pour établir l’état normal du jardin à travers les saisons.
Cahier des charges ou contrat d’entretien
Pour les jardins complexes ou les propriétés haut de gamme, envisagez :
- Un cahier des charges d’entretien détaillé en annexe du bail
- La possibilité d’un contrat d’entretien avec un jardinier professionnel (à négocier entre les parties)
- Des visites annuelles programmées pour vérifier l’état du jardin
Que faire si mon locataire n’entretient pas le jardin ?
Face à un locataire négligent, le propriétaire doit suivre une démarche progressive :
Première étape : dialogue et rappel
Commencez par une approche amiable :
- Discussion directe ou appel téléphonique pour rappeler les obligations d’entretien
- Courriel ou lettre simple récapitulant les points à améliorer
- Proposition éventuelle d’aide ou de solutions alternatives (contacts de jardiniers)
Deuxième étape : mise en demeure formelle
En l’absence de réaction, passez à l’étape formelle :
Modèle de mise en demeure :
« Madame, Monsieur,
Je constate que l’entretien du jardin dont vous avez la jouissance exclusive n’est pas effectué conformément à vos obligations locatives définies à l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 et au décret n°87-712 du 26 août 1987.
Cette situation se caractérise par [détailler précisément l’état du jardin : pelouse non tondue depuis X semaines, haies non taillées dépassant de X cm la hauteur initiale, massifs envahis par les mauvaises herbes, etc.].
Je vous mets donc en demeure de procéder aux travaux d’entretien nécessaires sous 15 jours à compter de la réception de ce courrier.
À défaut, je me verrai contraint(e) d’engager les démarches nécessaires pour faire valoir mes droits, y compris en saisissant la commission départementale de conciliation ou le tribunal judiciaire compétent.
Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées. »
Cette mise en demeure doit être envoyée en lettre recommandée avec accusé de réception et accompagnée si possible de photos récentes montrant l’état du jardin.
Constitution de preuves
Tout au long du processus, documentez précisément la situation :
- Photographies datées montrant l’évolution de l’état du jardin
- Témoignages éventuels de voisins ou du syndic (en cas de plaintes)
- Devis de remise en état par des professionnels
- Copies de toutes les correspondances avec le locataire
Sanctions et recours : faire respecter ses droits
Si le locataire persiste à ne pas entretenir le jardin, plusieurs recours s’offrent au propriétaire :
Retenue sur le dépôt de garantie
Lors de l’état des lieux de sortie, vous pouvez :
- Comparer précisément avec l’état des lieux d’entrée et les photos initiales
- Documenter les dégradations dues au défaut d’entretien
- Obtenir des devis de remise en état pour justifier les retenues
- Appliquer un coefficient de vétusté approprié selon la durée d’occupation
La restitution du dépôt de garantie doit intervenir dans les 2 mois suivant la remise des clés, accompagnée des justificatifs des sommes retenues.
Recours à la commission de conciliation
Pour les litiges d’un montant inférieur à 5 000 €, la commission départementale de conciliation est une étape préalable obligatoire :
- Saisine par lettre recommandée avec tous les éléments de preuve
- Procédure gratuite et rapide (avis rendu sous environ 2 mois)
- En cas d’accord, établissement d’un document d’entente ayant valeur contractuelle
Le recours à la commission de conciliation est particulièrement recommandé pour les litiges concernant l’indemnité d’occupation lorsqu’un locataire a négligé l’entretien du jardin et reste redevable de frais de remise en état.
Action judiciaire
En dernier recours, une action devant le tribunal judiciaire peut être engagée :
- Pour demander l’exécution forcée des travaux d’entretien
- Pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice
- Pour demander la résiliation du bail en cas de manquement grave et répété
Délai de prescription : L’action en justice doit être intentée dans les 3 ans suivant l’état des lieux de sortie constatant les dégradations du jardin dues au défaut d’entretien.
Particularités en copropriété et cas spécifiques
Jardins en copropriété
La situation se complexifie en copropriété :
En copropriété, le règlement de copropriété peut imposer des contraintes supplémentaires :
- Restriction sur la hauteur des plantations
- Interdiction de certains types de végétaux ou d’aménagements
- Obligations d’harmonie visuelle avec les autres jardins
Situations particulières
Certains cas nécessitent une attention spécifique :
- Bail rural ou mixte : régime juridique différent pour les cultures
- Terrains très vastes : possibilité de définir des zones d’entretien différenciées
- Espèces protégées : certaines interventions peuvent être interdites
- PLU et règles d’urbanisme : peuvent imposer des contraintes d’entretien
Cas particulier des piscines : L’entretien courant (nettoyage, traitement de l’eau) incombe généralement au locataire si la piscine est à son usage exclusif, mais les réparations du système de filtration, le remplacement des équipements défectueux et la mise en conformité aux normes de sécurité restent à la charge du propriétaire.
Documents et références légales utiles
Pour approfondir vos connaissances et disposer de tous les outils nécessaires :
Textes législatifs de référence
- Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 (article 7) définissant les obligations du locataire
- Décret n°87-712 du 26 août 1987 établissant la liste des réparations locatives
- Décret n°2016-382 du 30 mars 2016 relatif à l’état des lieux et à la vétusté
Modèles et documents pratiques
Pour faciliter vos démarches, utilisez :
- Une checklist d’état des lieux spécifique aux jardins
- Des modèles de mise en demeure adaptés aux problèmes d’entretien des espaces verts
- Des exemples de clauses à insérer dans les baux concernant l’entretien des jardins
- Une grille de vétusté applicable aux éléments du jardin
« La prévention reste la meilleure solution : un bail clair, un état des lieux détaillé et des communications régulières avec le locataire permettent d’éviter la majorité des litiges liés à l’entretien du jardin. »
Conclusion : anticiper pour éviter les conflits
La répartition des responsabilités d’entretien du jardin entre propriétaire et locataire est clairement encadrée par la loi. Pour éviter les litiges :
- Établissez un bail détaillé décrivant précisément le jardin et les obligations d’entretien
- Réalisez un état des lieux d’entrée minutieux avec photographies datées des espaces verts
- Prévoyez des visites périodiques (avec accord du locataire) pour suivre l’évolution du jardin
- Conservez tous les échanges et preuves en cas de négligence
- Privilégiez toujours le dialogue avant d’engager des procédures formelles
En suivant ces conseils, propriétaires et locataires pourront profiter d’un espace vert bien entretenu tout en respectant leurs obligations légales respectives. Un jardin agréable contribue non seulement au bien-être du locataire mais préserve également la valeur du bien immobilier sur le long terme.
